Quel avenir pour le viager ?
Longtemps dénigré, voire considéré comme immoral, en tous cas passé de mode, le viager semble faire cette dernière année son grand retour. Dans la région Hauts-de-France, en mai dernier, ce sont les 250 agences du Crédit Mutuel Nord Europe qui ont lancé une offre de viager destinée à leurs seniors désireux de compléter leurs revenus.
En mai toujours, la société Virage-Viager, spécialisée dans le viager mutualisé pour le compte d’investisseurs institutionnels qui achètent plusieurs biens en viager auprès de particuliers, a organisé une levée de fonds via une plateforme de financement participatif, afin d’appuyer son développement commercial tout en menant sa transformation digitale.
« Face aux enjeux du vieillissement de la population, au déficit structurel des régimes de retraite et à la baisse du pouvoir d’achat des seniors, le viager est une solution financière pour bien vieillir », affirme Virage-Viager. Et il semble, par suite, tout destiné à se développer au vu de la conjecture actuelle.
C’est quoi, le viager ?
La vente en viager consiste à vendre un bien à un tiers en contrepartie du versement d'une rente mensuelle, parfois complétée par un apport initial (le « bouquet »). Ce type de transaction ne représente que 0,5% des ventes immobilières du territoire (soit 5000 ventes unitaires par an), même si l’IEFV, l’Institut d’expertise et de formation au viager, précise dans son premier baromètre du secteur que sa croissance augmente chaque année de 5%.
Il s’agit donc d’un secteur de niche, qui offrirait pourtant, selon l’IEFV, une rentabilité annuelle comprise entre 6 et 8% (« moyenne de marché basée sur un échantillon représentatif de plusieurs milliers d’opérations réelles avec des âges et des modulations bouquet/rentes variables, cette rentabilité correspond au Taux de rendement interne (TRI) de l’investissement calculé sur la base des flux de trésorerie de l’opération en viager, qui se base sur l’hypothèse d’une revente du bien après son remembrement au débouclage de l’opération »).
Cette rentabilité moyenne, pour difficile et approximatif que soit son calcul, se montre nettement supérieure à celles que l'on peut espérer dans l’immobilier locatif ou l’assurance vie (respectivement estimées à 4,5% et 2%, selon l’IEFV, qui accentue a priori légèrement le contraste dans l’effet de moyenne qu’il transcrit, sans pour autant travestir les chiffres).
Les avantages du viager
Le viager présente de l’intérêt exclusivement pour les acquéreurs qui ne souhaitent pas investir dans un logement à usage d’habitation principale immédiate. De plus, « Le viager est un investissement de qualité, mais qui ne satisfera que ceux qui souhaitent acquérir dans l’ancien, avec tous les inconvénients que cela peut comporter. Pour le neuf, mieux vaut se tourner vers un investissement en SCPI ou en Pinel » commente David Azoulay, Président-Directeur général d’Immo9 Nantes.
Une fois admis que la date d’entrée dans les lieux et donc de début de jouissance de l’usus du bien est un critère non-déterminant car inconnu et impossible à connaître, et que l’acquisition se fera dans le parc immobilier déjà construit, l’investisseur porté sur ce placement bénéficie de plusieurs avantages non négligeables réservés au viager.
D’abord, le viager est une transaction qui permet de se constituer un patrimoine immobilier avec une décote pour cause de non-jouissance immédiate du bien.
De plus, l’offre étant supérieure à la demande sur ce marché, l’acquéreur va pouvoir prendre le temps et le loisir de comparer, visiter, choisir. Quand on sait l’état général du marché, où la rareté des biens en vente accélère les délais et fait exploser les prix, c’est un luxe qui peut revêtir toute son importance.
Enfin, l’acquéreur a certitude que son bien acheté en viager sera correctement entretenu, puisqu’il continue d’être habité par son ancien propriétaire, qu’on peut estimer peu prompt aux détériorations. Il est en tous cas prémuni contre les risques locatifs habituels. « L’acheteur est propriétaire d’un bien entretenu, sans souci de gestion locative ou de détérioration du logement. Il paie la taxe foncière, les éventuels gros travaux et une partie des charges, celles dites “locatives” restent à la charge de l’occupant dans le cadre d’un viager occupé », souligne Sophie Richard, fondatrice du récent réseau Viagimmo.
Une nouveauté dans le monde du viager : le viager sans rente
Cette formule a fait son apparition il y a quelques années. Elle permet l’achat d’un bien en viager en une fois, via le règlement d’un bouquet unique, sans rente.
Lors d’une vente en viager sans rente, le vendeur ne touchera qu’un seul montant : le bouquet initial. Il n’y a donc que deux paramètres pour calculer le prix d’un viager sans rente, à savoir la valeur vénale du bien, et la valeur du droit d’usage et d’habitation (DUH) calculée en fonction de l’âge du vendeur et de son espérance de vie. Comme lors d’une vente en viager « classique », le vendeur n’a plus qu’à payer les charges locatives et les taxes d’habitation.
Les avantages pour l’investisseur sont nombreux :
- Il peut hypothéquer le bien en viager pour emprunter ou, réciproquement, financer son achat en viager avec un prêt hypothécaire (à l’opposé du bouquet d’un viager avec rente viagère qui doit être financé avec ses fonds propres, sauf rares exceptions)
- La valeur d’acquisition est fixe car il n’y a pas de rente à payer
- Il n’y a pas d’augmentation de la rente en cas de libération anticipée (car il n’y a pas de rente à l’origine)
- Le prix d’achat est inférieur de + ou – 50 % par rapport à la valeur initiale du bien, ce qui compense largement la non-perception de loyers, par ailleurs imposables
- L’acheteur peut revendre le bien dès la libération par le vendeur et ainsi réaliser une plus-value importante (+ ou – 80 % du prix d’achat)
- Les vendeurs se sentent toujours propriétaires et entretiennent parfaitement leur bien, contrairement à certains locataires
- Le fait de ne pas détenir l’usufruit fait que le patrimoine immobilier détenu en nue-propriété n’entre pas dans la base imposable IFI
- Le viager ne « bénéficie » d’aucun avantage fiscal pour l’investisseur, il est donc protégé du rabotage actuel ou futur des avantages fiscaux des niches fiscales, et des fluctuations des lois fiscales qui accompagne les changements de gouvernements
Des avantages nombreux donc, qu’Emmanuel Delaunay, directeur de Legasse Viager, résume ainsi : « Cette formule proche du démembrement de propriété, qui consiste à détenir la nue-propriété, séduit de plus en plus d’acheteurs pour trois raisons. D’abord, cela réconcilie certains d’entre eux mal à l’aise avec l’idée de mort associée au viager. Ensuite, certains préfèrent acheter en une seule fois. Enfin, cette transaction peut se financer à crédit ».
Un investissement éthique
La pression démographique actuelle prévoit l’accroissement rapide des solutions viagères. Beaucoup considèrent cette possibilité comme une solution à la crise des retraites comme à l’allongement de la durée de vie.
Julien Portais a lancé en 2017 le premier centre de formation des agents immobiliers au viager. Cette Académie du Viager est née du constat de la méconnaissance des professionnels de l’immobilier de ce secteur, méconnaissance qui, quand elle n’est pas à la source de litiges, conduit à des situations très anxiogènes pour les vendeurs et les acquéreurs. Son but : aider les acteurs du secteur à se former à une pratique du viager socialement responsable. Julien Portais estime que, par son caractère protéiforme, le viager est une solution éthique répondant aux enjeux actuels de notre société, en tant qu’il prend en charge de nombreuses problématiques d’un poids que l’État ne parvient pas à solutionner, du côté vendeur comme du côté acquéreur.
- Il permet aux seniors de tirer profit de leur patrimoine essentiellement constitué de biens immobiliers (représentant 80 % du patrimoine des + 60 ans).
- Il répond à la volonté des seniors devivre le plus longtemps possible à domicile.
- Il répond à la nécessité de se constituer un capital retraite.
- Il permet aux seniors de vivre plus longtemps chez eux, confortablement et en toute indépendance, grâce à l’amélioration et l’adaptation de leur habitat confortée par la vente.
Pour Julien Portais, le viager est une forme de « contrat de solidarité intergénérationnelle entre un vendeur qui a besoin de revenus complémentaires et un investisseur qui choisit d’investir à moyen terme pour se constituer un patrimoine immobilier. »
Le viager a donc ce double avantage d’être « à la fois un outil moderne de compléments de revenus et un investissement socialement responsable. »